Je fais beaucoup de jardin en ce moment.
Le printemps a fait pousser haut les herbes et les fleurs et il faut que je les tonde. La tondeuse bourre et je dois la vider souvent. Quand je finis de tondre, j’ai le visage tout rouge. Je me dis qu’il faut que je tonde plus souvent, pour que tout soit moins haut, mais si tout est moins haut, il y a moins de fleurs, de graines et d’animaux.
Je crois que je tonds surtout parce que nous sommes en location et que ce n’est pas mon jardin. Si c’était mon jardin, il serait beaucoup moins tondu. C’est triste de tondre juste parce que j’ai peur de me faire gronder.
J’ai failli couper un orvet en deux. Je ne me le serais pas pardonné. Il a surgi de sous ma tondeuse, je l’ai filé jusqu’à chez lui et j’ai établi un périmètre de sécurité d’herbes hautes tout autour. J’avais oublié jusqu’à aujourd’hui de mettre les orvets dans mon top d’animaux préférés.
Je porte le bleu de travail que je me suis cousu et de grandes bottes marrons qui font sérieux. J’ai des gants trop grands pour moi parce qu’il semblerait qu’au supermarché, seuls les hommes aux grandes mains ont besoin de gants “gros travaux”. Je ressemble à Mickey Mouse au jardin.
Je pousse la tondeuse, je dégage des parcelles, je porte des grosses pierres, je monte le composteur, je fabrique un talus. Je plante des capucines pour couvrir, du basilique et de la coriandre qu’on a trouvés au Café des possibles.
J’ai trouvé un nid de perles blanches sous la terre, ce sont des oeufs d’escargots. Je les ai recouverts doucement.
Quand je m’arrête parce que mon dos tire trop ou que je ne suis plus assez concentrée, je prends une douche et je m’installe au soleil pour boire du jus de fraise.
J’ai revu l’orvet, il va bien.
Je retrouve le plaisir d’avoir utilisé mon corps entier pour travailler. Le soir, le canapé redevient confortable.
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